Le désir foudroyé

Sortir du traumatisme par la psychanalyse

Le traumatisme évoque le choc, la blessure et aussi l’angoisse, les cauchemars, les symptômes, le suspens du désir… Comment en sortir ?

La victimologie fait équivaloir traumatisé et victime. Ouvrant une autre perspective, la psychanalyse suppose toujours un sujet derrière la victime. Plutôt que l’événement même, elle souligne ce que le sujet en fait. Nul autre que lui ne saura mieux dire le réel qu’il a rencontré, brutal, inassimilable. Cerner son implication dans sa souffrance restitue au sujet sa part de responsabilité et, par là, son désir. S’arracher au statut social de victime, faire l’hypothèse de l’inconscient, déchiffrer son symptôme demande du courage.

Sonia Chiriaco illustre par des cas cliniques combien l’expérience subjective du trauma est toujours singulière et comment l’expérience analytique permet à chacun d’inventer la solution qui lui est propre pour sortir de son impasse.

Lire, écouter, voir…

À écouter sur Radio Lacan


Dans cet entretien, Sonia Chiriaco nous dit pourquoi elle a choisi la voie du trauma pour nous parler de psychanalyse. À retrouver ici

À la librairie Mollat


Sonia Chiriaco est invitée à présenter son ouvrage « Le désir foudroyé, sortir du traumatisme par la psychanalyse » par la librairie Mollat. Vidéo mise en ligne le 22 octobre 2013.

Lecture

Dans son argument pour les prochaines Journées de l’École de la Cause freudienne, Laurent Dupont indique : « L’attentat n’est pas seulement attribué à l’autre, mais le sujet se situe lui-même au cœur d’un conflit psychique dont Freud va tenter d’extraire les enjeux de traumatisme[mfn]Dupont L., « Attentat sexuel. Part. 1 », disponible ici.[/mfn]».

C’est ce que démontre avec précision et clarté Sonia Chiriaco dans son ouvrage, Le désir foudroyé. Sortir du traumatisme par la psychanalyse. Publié en 2012, il est né d’un désir de présenter la particularité de la psychanalyse par rapport au développement de la victimologie. Comme ce nom l’indique, le terme « victime » est le pivot de cette discipline qui prône le témoignage et la réparation.

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le « malaise » de notre civilisation accorde une importance significative à l’identité victimaire. Dans la veine de la victimologie, des mouvements sociaux se sont ainsi formés à partir d’un vécu imaginé comme commun. Ces modes de traitement du traumatisme concentrent des phénomènes d’identification peu propices à subjectiver la souffrance.

À contre-courant, le livre de Sonia Chiriaco met en valeur ce qu’il en est de l’énonciation en psychanalyse. Nina, Anna, Gabriel, Victor… le récit de leur cure se lit comme une nouvelle et, comme les nouvelles d’un recueil, chaque récit, chaque cure, est unique. L’énonciation n’est pas le discours commun, c’est la présence d’un sujet derrière la victime, un sujet qui se fait responsable de ce qu’il dit. « Renoncer à s’identifier à la victime, s’arracher à ce statut, est donc un acte qui change déjà radicalement la position subjective », écrit Sonia Chiriaco[mfn]Chiriaco S., Le désir foudroyé. Sortir du traumatisme par la psychanalyse., Paris, Navarin éditeur, 2012, p. 24.[/mfn].

La découverte de l’inconscient est liée au traumatisme. Depuis Freud, le traumatisme ne se réduit plus seulement à la traumatologie, il peut être psychique et il constitue la matière même de la psychanalyse. Sonia Chiriaco s’est appuyée sur la richesse de la clinique de sa pratique d’analyste pour mettre en valeur l’autre voix qu’offre la psychanalyse par rapport à la victimologie, à savoir, une réponse sur-mesure, au lieu de la réponse faite pour tous. « Ainsi la psychanalyse se démarque-t-elle d’emblée de la victimologie qui fait l’événement primaire et le sujet secondaire, voire absent[mfn]Ibid., p. 17.[/mfn]».

La théorie psychanalytique démontre que le trauma n’est pas l’événement même, mais qu’il existe dans l’après-coup. L’angoisse, les cauchemars, les symptômes et la compulsion de répétition qui surgissent dans l’après-coup signalent la présence de l’inconscient articulé au trauma. Quelque chose est en jeu du côté du sujet. Pour les cas de traumatismes sexuels par exemple, le psychanalyste Serge Cottet l’indique ainsi : « Les cliniciens observent que la honte et la culpabilité sont renforcées par le consentement du sujet, par sa passivité, voire sa satisfaction ; si bien que l’après-coup de cette jouissance transgressive est intolérable pour le sujet névrosé : son souvenir, son évocation sont au cœur d’une analyse d’adulte dans bien des cas[mfn]Cottet S., L’inconscient de papa et le nôtre. Contribution à la clinique lacanienne, Paris, Édition Michèle, 2012, p.107.[/mfn]».

Les mouvements sociaux actuels relancent les débats sur le traumatisme sexuel. Freud le premier a mis en évidence le caractère fondamentalement traumatique de la sexualité. Comme l’écrit Sonia Chiriaco, « Il n’est nul besoin de l’agression de l’Autre pour rencontrer le traumatisme de la sexualité. Le sexuel est d’abord éprouvé comme foncièrement Autre[mfn]Chiriaco S., Le désir foudroyé, op. cit., p. 53.[/mfn]». Le sexuel, en effet, il n’en existe pas de mode d’emploi, il est une mauvaise rencontre. Sonia Chiriaco indique également que Lacan a désigné ce traumatisme de la sexualité par la formule « Il n’y a pas de rapport sexuel ».

Dans la contingence de la rencontre avec un événement qui ne peut se dire, ni se représenter, le sujet disparaît, « le désir est foudroyé » selon cette belle expression de Sonia Chiriaco. Dans son livre, elle montre que dans cette rencontre hors sens, le traumatisme n’existe pas encore. Avant d’être un traumatisme, c’est un indicible que Freud avait cerné et que Lacan désigne par « réel ». « N’est-il pas remarquable que, à l’origine de l’expérience analytique, le réel se soit présenté sous la forme de ce qu’il y a en lui d’inassimilable – sous la forme d’un trauma, déterminant toute sa suite, et lui imposant une origine en apparence accidentelle[mfn]Lacan J., Le Séminaire, livre XiLes quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, coll. Points Essais, 1973, p.65.[/mfn]» ? Nommer ce réel « traumatisme » est une interprétation, un premier pas vers le sens.

Sonia Chiriaco ne livre pas une méthode à appliquer pour soulager un patient d’un évènement traumatique. Au contraire, chaque cas lui permet de montrer que le travail est du côté de l’analysant. Dans un souci de transmission, les concepts psychanalytiques sont déployés de façon claire et le choix du récit, singulier pour chaque cure, illustre comment l’analyse hystorise l’événement traumatique. Et, avec la clinique, l’auteure montre en quoi l’analyse offre la possibilité de faire de la demande d’aide une construction personnelle qui modifiera le rapport du sujet à son trauma.

Avec la psychanalyse, il ne s’agit pas de réparer, ni de ne pas considérer la gravité d’un événement, mais de déchiffrer les fantasmes, de repérer la jouissance. « En construisant l’histoire – qui n’est jamais qu’une fiction puisque le réel est par nature insaisissable –, l’analyse la rend tout simplement vivante là où elle était figée[mfn]Chiriaco S., Le désir foudroyé, op. cit., p. 172.[/mfn]».

Navarin éditeur

Auteur

Sonia Chiriaco

Rédacteur

Isabelle Magne

Éditeur

Navarin éditeur

Année

2012

Pages

183 pages

Prix

18.5 €