Scilicet 2020. Le rêve

Son interprétation, son usage dans la cure lacanienne

En préparation au 8e Congrès de l’Association mondiale de psychanalyse, 22 cartels témoignent de l’avancée de l’élaboration sur le rêve selon 22 items.

Le rêve. Son interprétation, son usage dans la cure lacanienne est le thème choisi par l’Association mondiale de psychanalyse pour son congrès biennal prévu en 2020. L’enjeu est de rendre compte de la pratique contemporaine des psychanalystes d’orientation lacanienne concernant le rêve. Ce Scilicet vise donc le cœur de la pratique analytique. Sa visée est celle d’une mise à ciel ouvert de la manière dont les rêves sont analysés dans les cures d’aujourd’hui. Ainsi, cher lecteur, chère lectrice, pourras-tu savoir comment le rêve s’interprète et quel usage en est fait dans la cure.

Ce volume est le huitième de la série Scilicet dont le titre est repris de la revue éponyme créée par Jacques Lacan, qui s’adressait ainsi à chaque lecteur – « Tu peux savoir ». Scilicet est un outil essentiel au service du savoir exposé des psychanalystes, et mobilisé à l’occasion de chaque congrès de l’Association mondiale de psychanalyse (AMP).

En ouverture de ce volume, nous avons la joie d’offrir aux lecteurs de Scilicet un texte de Jacques-Alain Miller : « Réveil ».

Lecture

De quoi rêvons-nous ? Suis-je le rêve d’un papillon ?, se demande Zhuangzi, cité par Lacan dans le Séminaire XI, quand il se réveille. Face à l’énigme du rêve, le réveil offre un alibi : « Ce n’est qu’un rêve ! » Comme dans Cristal qui songe, de Theodore Sturgeon, on rêve pour exister dans l’ignorance de notre rêve.

Chaque sujet, dès son plus jeune âge, rêve. Parfois on se souvient de nos rêves, d’autres fois on les oublie. En dehors de l’analyse, ils restent comme une simple histoire, qui peut sembler présenter des réponses, et même être reçue comme un présage. L’inconscient, avec son interprétation, produit le rêve. Lorsqu’en analyse, le rêve retrouve son caractère énigmatique, il cherche à être interprété. L’analyste peut le référer à un événement de la veille, mais, comme le dit l’écrivain argentin Macedonio Fernández, « Tout n’est pas veille lorsqu’on a les yeux ouverts » (No todo es vigilia la de los ojos abiertos) et, quand nous nous réveillons, nous continuons à rêver. Comme l’indique Jacques-Alain Miller dans Scilicet qui vient de paraître, le sujet ne se réveille que pour satisfaire au désir de dormir dans la routine de son fantasme. Le rêveur s’éveille à la réalité pour esquiver le « réveil au réel[mfn]Miller J.-A., « Réveil », in Le Rêve. Son interprétation, son usage dans la cure lacanienne, Scilicet, Paris, ECF-Collection rue Huysmans, 2020.[/mfn]».

Le volume Le Rêve. Son interprétation, son usage dans la cure lacanienne est le résultat du travail des sept Écoles qui composent l’École Une dans une formation sans précédent grâce à l’initiative de l’Association mondiale de psychanalyse (AMP).

Il interroge le rêve, au singulier, le rêveur et son récit, et son usage dans le traitement analytique selon l’orientation de Lacan, du début de l’analyse jusqu’à sa fin, dans la passe et au-delà de la passe, l’outrepasse. Rêvons-nous différemment au fil de l’expérience analytique ? Que deviennent nos lettres volées[mfn]Lacan J., « Le séminaire sur “La Lettre volée” », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 11-61, d’après la nouvelle d’Edgar Allan Poe.[/mfn] au cours des rêves lorsque la lettre atteint sa destination ?

Après la présentation par Angelina Harari de cette nouvelle initiative, le texte « Réveil », de J.-A. Miller, fournit un fil d’Ariane pour parcourir ce livre : le réveil impossible et son lien avec le désir de l’analyste.

Dans sa « Conférence au Teatro Coliseo[mfn]Miller J.-A., « Jacques-Alain Miller à Buenos Aires. Conférence au Teatro Coliseo », La Cause freudienne, n° 70, 2008, p. 94-110.[/mfn]» à Buenos Aires, J.-A. Miller souligne que la plupart des rêves analysés par Freud dans la Traumdeutung étaient les siens. Ce qui le soutenait dans ce travail d’interprétation était le désir de susciter le désir du public, assez réduit à l’époque. Mais Freud butait sur un point. Lacan appelle la « passion de Freud » sa « soif de vérité » et note que celle-ci s’arrête au « secret partagé » entre le père et son fils dans le rêve « Père, ne vois-tu pas que je brûle ? », à la « mise en doute de ce père trop idéal[mfn]Lacan J., Le Séminaire, livre xiLes quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973.[/mfn].» Lacan, quant à lui, va au-delà de l’amour pour le père qui arrêtait Freud dans son interprétation du rêve. Cette orientation a des conséquences dans la direction de la cure et peut-être dans l’interprétation même des rêves. Nous pouvons en explorer quelques conséquences dans Scilicet. Le rêve, qui parait en ce printemps en cinq langues.

Ce volume est composé de six parties qui organisent logiquement les travaux des nombreux auteurs, analystes qui s’orientent de Freud et Lacan, et chaque chapitre s’ouvre par une citation du cours de J.-A. Miller qui fait résonner leur contenu, cette série ainsi ponctuée se teintant d’une touche de poésie.

L’interprétation trouve son chemin. Le déchiffrage du rêve prend parfois d’emblée place dans le récit du patient, grâce à l’inconscient transférentiel. Cependant, il montre son trou. L’ « ombilic du rêve[mfn]Freud S., L’interprétation des rêves, Paris, puf, 1967.[/mfn]», ainsi appelé par Freud, indique que pas tout peut être dit. Le chiffrage se heurte à ses limites et le réel inassimilable au symbolique montre que le désir comme moteur du rêve ne parvient pas à en dévoiler le sens sans fin. L’interprétation trébuche ainsi sur le hors-sens, dans la texture de l’équivoque de la lalangue.

Le rêve en tant que formation de l’inconscient se modifie une fois vérifiée la non-existence de l’Autre et une articulation subjective au régime de l’Un opère après la passe. Des rêves de sinthome tournent autour du trou et rendent toute interprétation superflue. Le rêve, reste réel, asémantique, « C’est ça », événement de corps, hors sens, qui démontre l’inconscient réel, impossible à dire. Dans l’au-delà de la passe, l’outrepasse, qui nous fait saisir qu’il y a de l’Un, pure répercussion de la vie, dans le sens du vivant du corps et de sa jouissance dans le rêve, le rêve est un indice de la vie du corps que l’on a. Ainsi, dans le parcours de l’analyse, les rêves nous dévoilent les secrets les plus intimes chiffrés comme des semblants, mais ils nous permettent aussi de nous confronter au trou central de ce qui ne sera pas dit, au tissu de lalangue qui impacte le corps. Dans la mesure où le réel de la vie se dégage des mirages du sens et de la recherche de signification, le rêve est simplement ce qui se montre et fait vibrer la vie.

Shakespeare, dans La Tempête, écrit : « Nous sommes faits de la même étoffes que nos songes[mfn]Shakespeare W., La tempête, acte IV, scène I, Œuvres complètes, t. II, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, 1959, p. 1515.[/mfn].» J.-A. Miller précise que « nous sommes faits de l’étoffe même, non pas exactement de nos rêves, mais de nos symptômes [ou du] symptôme d’un autre[mfn]Miller J.-A., « Jacques-Alain Miller à Buenos Aires. Conférence au Teatro Coliseo », op. cit.[/mfn]». Et, toujours au Teatro Coliseo, parlant de Lacan, à partir de Lacan, il ajoute : « Lié à ce nom qui a un tel pouvoir de convocation, peut-être moi-même, Jacques-Alain Miller, ne suis-je que quelqu’un qui a désiré être un symptôme de Lacan. »

Buenos Aires nous convoque à nouveau avec le Congrès de l’AMP sur « Le rêve[mfn]Congrès de l’AMP, Buenos Aires 2020 « Le Rêve. Son interprétation et son usage dans la cure lacanienne »[/mfn]» De quoi rêverons-nous ?

Traduction : Guilaine Panetta

Auteur

Collectif

Rédacteur

Silvia Elena Tendlarz

Éditeur

Collection Rue Huysmans

Année

2020

Pages

240 pages

Prix

20 €