Par Marie-Bénédicte Auboussu
La matinée de Question d’Ecole, qui a eu lieu le 8 février 2025, portait sur les publications, sous le titre « Ce que l’Ecole te donne à lire ». Le syntagme « un effort de publication » a retenu mon attention. Lacan évoque cet « effort de publication » dans « Acte de fondation »[1] le 21 juin 1964 comme suit : « Le fonds financier constitué d’abord par la contribution des membres de l’Ecole […] sera entièrement réservé à son effort de publication. » Il faut donc y mettre du sien. Un « effort de publication », mais pas une injonction surmoïque. Philippe Hellebois nous encourage à publier en engageant son désir : « ce n’est pas une affaire de réunion, mais de désir ». En ce sens, il rappelle que les analystes belges se sont saisis de la revue Quarto, née en 1981, pour se réveiller. Il prévient ainsi du risque de langue de bois et du ressassage des publications. Concernant le rapport entre cet « effort de publication » et le désir singulier, Philippe Hellebois lance : « il faut toujours suivre sa pente … mais en la remontant ! »
Lacan fait valoir que c’est la publication qui distingue l’Ecole d’une société d’analystes. Il ne s’agit ni de faire communauté entre les analystes, ni d’adopter le discours commun, ni de masquer le trou dans le savoir. « La revue fait École » pour France Jaigu qui insiste sur l’effet des publications sur l’Ecole en tant qu’elles décollent. Elles font une place au désir singulier de ceux qui s’y engagent. A chacun de trouver son style et son énonciation dans cet « effort de publication ». Publier apparaît alors comme un acte du côté de l’objet et du côté du dire. C’est un acte pas sans conséquence, notamment pour son auteur puisque l’acte implique un franchissement. Philippe Hellebois souligne que l’auteur est le fils, et non pas le père, de ce qui s’écrit. Il y a une dimension d’ascèse, la publication allant de pair avec le déclin de l’auteur. L’auteur disparait dans sa publication. Pour reprendre un article de Jacques-Alain Miller, l’orgueil de la littérature peut s’entendre « l’or à gueule de la lituraterre »[2]. De même, publication fait résonner « poubellication »[3].
Cet « effort de publication » est aussi celui consenti lors de la parution du numéro 89 de La Cause du désir « Le corps des femmes ». Aurélie Pfauwadel se rappelle que La Poste avait demandé des frais d’envoi supplémentaires car la couverture était impudique. Il convenait de la cacher et donc de facturer un emballage supplémentaire pour distribuer ce numéro dans les boîtes aux lettres. Il s’agit donc d’oser pour viser le réveil, mais aussi d’accepter d’en payer le prix.
[1] Lacan J., « Acte de fondation », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.232.
[2] Miller J.-A., « L’or à gueule de la lituraterre », in J. Berchtold et C. Lucken (s/dir.), L’orgueil de la littérature. Autour de Roger Dragonetti., Recherches et rencontres, n°12, 1999, p.115-126.
[3] Lacan J., Le Séminaire, livre XIII, L’objet de la psychanalyse, leçon du 15 décembre 1965, inédit.