IA et Inconscient

L’ACF en CAPA organise une conférence de Xavier Gommichon, psychanalyste, membre de l’ECF, le 30 avril 2025.

Argument

L’IA et l’inconscient ont pour premier point commun que tout le monde en parle sans que personne ne sache réellement de quoi il s’agit. Aussi, comment articuler l’un à l’autre ?

L’actualité politique la plus brûlante nous mettrait peut-être sur une piste : l’IA n’a jamais autant été magnifiée qu’au lieu-même où des pans entiers de la science et de la littérature sont voués à une censure anti-démocratique.
Or, les conditions matérielles de la psychanalyse, disait JA Miller, comprennent précisément la liberté des sciences, le pluralisme démocratique, l’économie libérale et le déclin du Nom-du-Père. On peut donc s’interroger si l’IA n’est pas le symptôme d’un certain refus de l’inconscient.

Ce phénomène techno-scientifique qu’est l’IA n’a pas toujours porté ce nom puisque J. Lacan l’appelait cybernétique, dans sa conférence du 22 juin 1955 :« un domaine aux frontières extrêmement indéterminées (…) qui vont de la politique, de la théorie des jeux, aux théories de la communication, voire à certaines définitions de la notion de l’information ».
Quant à l’inconscient, JA Miller dans ses Intuitions milanaises en disait : «(…) on sait si peu ce que c’est, il est si peu représentable que c’est invraisemblable et très risqué de définir quoi que ce soit à partir de l’inconscient ».
Mais là aussi, l’inconscient a changé de nom avec la clinique issue du dernier enseignement de Lacan, qui insiste sur les nouages et dénouages entre corps et langage. C’est pourquoi, en regard de l’IA il serait plus juste de poser le Parlêtre que l’inconscient.

D’autant que la dimension de la parole, et dans une moindre mesure du corps, semble prendre une place déterminante dans l’évolution sinon de l’IA, du moins de la représentation que se font nos contemporains de cette technologie. Les solutions algorithmiques étant non seulement aux frontières de plusieurs domaines, comme le disait Lacan en 1955, mais bientôt supposées intégrer, voire surpasser, toute forme d’activité humaine. Le transhumanisme en est, par exemple, une des projections techno-optimistes futures, et les neuro-sciences se donnent pour avoir déjà, dans le domaine des connaissances sur la pensée humaine, un train d’avance.

On soulignera toutefois que, dans ce monde du traitement continu de l’information les notions de manque, ou de trou, essentielles à la conception de l’inconscient, sont forcloses. « Dieu ne répond pas ; Google toujours et tout de suite » écrivait JA Miller dans Le Nouvel Observateur le 15 mars 2007.
C’est pourquoi il est possible que les échanges tant annoncés entre machine intelligente et humain « augmenté » tournent au dialogue de sourds.

Xavier Gommichon. Psychanalyste, membre de l’ECF.